Ne vous méfiez pas des contrefaçons !

🇺🇸 États-Unis

Liane mimétique (prix de botanique)

L’Ig Nobel de botanique a été décerné à Jacob White, chercheur indépendant à Magna (Utah), et Felipe Yamashita de l’Institut de botanique cellulaire et moléculaire de Bonn pour avoir démontré que Boquila trifoliolata est capable d’imiter la forme de plantes en plastique placées près d’elle. De précédents travaux avaient repéré les talents d’imitatrice de cette liane grimpante des forêts tropicales tempérées du sud du Chili. Mais la question du mécanisme à l’origine de cette capacité n’avait pas été élucidée selon les auteurs de l’étude parue dans Plant Signaling & Behavior le 21 septembre 2021. Ils pensent qu’il existe une forme de « vision des plantes, éventuellement via des ocelles spécifiques ». Pour le montrer, ils ont placé un modèle de vigne artificielle au-dessus de cette liane étonnante et constaté que sa capacité mimétique n’était pas entravée par le fait que la plante voisine n’était pas vivante. Ils concluent : « Des recherches récentes sur la perception et la communication des plantes ont fourni de nouveaux détails surprenants […] Elles bénéficient non seulement de la capacité de communiquer par le biais de substances chimiques volatiles, mais aussi de la perception de signaux acoustiques. Les recherches effectuées sur les capacités visuelles des algues et des protistes suggèrent clairement que la vision existe déjà chez les organismes unicellulaires. »

🇫🇷 France

Bouclettes Nord/Sud (prix d’anatomie)

Voici une étude tirée par les cheveux mais furieusement intrigante ! Des chercheurs français (service de génétique médicale du CHU de Montpellier, services de chirurgie maxillo-faciale et de médecine fœtale de l’hôpital Necker) et chiliens (clinique universitaire de Santiago) ont voulu savoir si les spirales que forment les cheveux poussant au sommet du crâne tournent dans le même sens dans les deux hémisphères ? Les résultats des investigations capillaires publiés dans le Journal of Stomatology, Oral and Maxillofacial Surgery d’avril 2024 montrent que, chez la plupart des gens dans le monde, les spirales se forment dans le sens des aiguilles d’une montre. Mais dans l’hémisphère Sud, celles orientées dans le sens antihoraire sont nettement plus courantes. Interrogé dans The Guardian sur son prix loufoque, le Pr Roman Khonsari, chirurgien crânio-facial à l’hôpital Necker, répond : « J’étais en train d’opérer quand j’ai reçu l’appel. J’étais extrêmement heureux car, malgré l’inutilité indéniable de cette étude, je suis convaincu que le déchiffrage des modèles dans la nature peut conduire à des découvertes importantes sur les mécanismes fondamentaux du développement. » Les auteurs plaident pour « des évaluations épidémiologiques à grande échelle des spires capillaires dans plusieurs populations des hémisphères Nord et Sud afin de confirmer ces résultats surprenants suggérant des modifications significatives du développement crânio-facial par des effets géographiques ».

🇯🇵 Japon

Respiration anale (prix de physiologie)

Ce sont des travaux sérieux qui furent initiés en pleine Covid-19, alors que de nombreux hôpitaux manquaient cruellement de respirateurs. Le Dr Takanori Takebe de l’hôpital pour enfants de Cincinnati et de l’université médicale et dentaire de Tokyo, a coécrit l’étude qui fit la couverture de Med en juin 2021 sur la respiration anale des mammifères. Il avoue avoir d’abord éprouvé des « sentiments mitigés » en apprenant que lui et son équipe nippo-américaine avaient décroché un Ig Nobel, puis s’est dit que si ce prix était reconnu pour « d’abord faire rire les gens, puis les faire réfléchir », cela bénéficierait à ses recherches visant à sauver des vies. Les chercheurs ont ainsi découvert que plusieurs mammifères sont capables de respirer à travers leurs intestins en utilisant leur anus, à l’instar de la loche, une espèce de poisson d’eau douce. En conclusion de leurs travaux, les auteurs ont en effet montré que des souris, des rats et des porcs peuvent absorber l’oxygène dans leur circulation sanguine via leur rectum. La méthode s’est même révélée efficace pour soulager une insuffisance respiratoire chez ces mammifères. Persuadés que cette « ventilation entérale » est « un moyen d’oxygénation complémentaire » pour des patients en détresse respiratoire, ils mènent un essai de phase I sur des humains volontaires.

🇸🇪 Suède

Placebo versus placebo (prix de médecine)

À l’évidence, les effets secondaires ont un impact négatif sur les patients. Mais ils pourraient aussi fonctionner comme des indicateurs d’un traitement efficace. C’est l’objet de travaux publiés dans Brain le 3 mai 2024 par une équipe européenne. Ils ont ainsi fait croire à 77 participants en bonne santé qu’ils allaient recevoir des pulvérisations nasales de fentanyl avant de subir une douleur thermique. En réalité, les sprays ne contenaient pas ce puissant analgésique mais, soit de la capsaïcine pour induire une légère sensation de brûlure, soit de la solution saline inerte. Ils ont ensuite été répartis au hasard en deux groupes et ont passé des IRM. Un groupe a continué à croire que les sprays contenaient du fentanyl, l’autre a été informé qu’il n’y en avait jamais eu, permettant une interprétation indépendante des effets secondaires et de l’attente d’un soulagement de la douleur. Résultat : les sprays induisant un effet secondaire (capsaïcine) étaient suivis d’une douleur moins forte que ceux contenant la solution inerte, sans effet secondaire pour leur part. La conclusion ouvre de nouvelles perspectives concernant les placebos : « L’effet analgésique était légèrement mais significativement plus prononcé lorsque le placebo était accompagné d’effets secondaires. Cet effet analgésique plus important dépendait des croyances des participants que l’apparition d’effets secondaires indique un traitement plus puissant, croyance conduisant à des attentes de traitement plus positives qui, à leur, tour ont entraîné une analgésie accrue ».

🇬🇧 Royaume-Uni

Longévité bidonnée (prix de démographie)

Chercheur multidiplômé et transdisciplinaire, Saul Justin Newman publie régulièrement dans des domaines aussi variés que la phytologie, la démographie ou encore le changement climatique. Formé en Australie, il est désormais chercheur principal à l’University College de Londres et associé à celui d’Oxford où il s’intéresse depuis un moment au vieillissement humain sous tous ses aspects. Coiffé d’un minuscule chapeau pointu, il est venu expliquer aux spectateurs de la cérémonie les travaux iconoclastes pour lesquels il a été couronné. Ces derniers démontrent que de nombreuses affirmations concernant l’existence de supercentenaires et d’autres records d’âges extrêmes viennent de régions où toutes les données prouvent que l’espérance de vie y est en réalité plutôt courte, où les actes de naissance et même de décès sont extrêmement rares ou erronés en raison d’une administration lacunaire et où les fraudes à la retraite sont légion. Interviewé dans The Conversation, il déclare : « Les données sur le vieillissement extrême de l’humanité sont corrompues de l’intérieur » et va jusqu’à remettre en cause les « zones bleues » sur lesquelles il tire à boulets rouges. Le vrai secret de la longévité selon lui : « Déménager dans un endroit où les certificats de naissance sont rares, apprendre à vos enfants la fraude aux pensions et commencer à mentir. »