N°1368
Mars 2025

Petites révolutions dans la reproduction

De récents travaux apportent du nouveau sur ce qui se joue durant la gestation, tandis que certaines prouesses impressionnent autant qu’elles questionnent.

© Adobestock_ INNA
par Hélène Bry
Le 26 septembre 2023
  • 🇺🇸 États-Unis

    Papa boit : le foetus trinque

    On pensait que seul l’alcool ingéré par la future mère pouvait causer des malformations dues au syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Mais une étude parue le 11 avril 2023 dans le Journal of Clinical Investigation a distillé l’hypothèse selon laquelle une consommation régulière d’alcool du père avant la conception pourrait être un facteur de risque dans le développement d’anomalies crâniofaciales et de déficiences de croissance. Les chercheurs de l’École de médecine vétérinaire et des sciences biomédicales de la Texas A&M University ont utilisé trois modèles murins avec des expositions maternelle, paternelle
    et biparentale à l’alcool, et mesuré les défauts faciaux ainsi qu’oculaires des souriceaux. « Nous avons constaté que les expositions masculines entraînent en fait certaines différences crâniofaciales beaucoup plus fortement que les expositions maternelles, de sorte que cet effet de programmation qui passe par le sperme a des répercussions profondes sur l’organisation du visage ainsi que sur la croissance et la proportion des différentes caractéristiques faciales », avance l’un des coauteurs.

  • 🇬🇧 Royaume-Uni

    3 ADN et un couffin

    Le Guardian du 9 mai 2023 dévoile que l’Autorité britannique de fertilisation humaine et d’embryologie (HFEA) leur a confirmé qu’« un petit nombre de bébés », moins de cinq semble-t-il, sont nés au Royaume-Uni à l’aide d’un procédé de FIV révolutionnaire appelé traitement de don mitochondrial (MTD), visant à empêcher les enfants d’hériter de maladies incurables portées par leurs mères grâce à l’utilisation des tissus provenant d’ovules de donneuses en bonne santé.
    La technique a engendré l’expression « bébés à trois parents », bien que plus de 99,8 % de leur ADN proviennent du père et de la mère. La recherche a été lancée outre-Manche par des médecins du Newcastle Fertility Centre, dont les résultats probants ont conduit le parlement à modifier la loi pour autoriser, à partir de 2018, des procédures au cas par cas et uniquement dans cet établissement. Le don de mitochondries permet en théorie de limiter la transmission d’une maladie mitochondriale, mais ne l’élimine pas puisque des risques de « réversion » subsistent : des mitochondries anormales de la mère biologique peuvent être transférées, lors de l’injection du noyau de l’embryon dans l’ovule de la donneuse, aux mitochondries jusqu’alors saines. La naissance d’un tout premier « bébé à trois parents » avait été annoncée en 2016 par le New Hope Fertility Center de New York. La mère était porteuse des gènes du syndrome de Leigh, pour lequel l’espérance de vie n’excède pas quelques années, et avait déjà perdu deux enfants en bas âge.

  • 🇩🇪 Allemagne

    Résiliente mère, longs télomères

    Il est admis que trop de stress chez la femme enceinte peut perturber le développement du futur bébé, psychologiquement mais aussi physiquement, avec notamment des risques de petit poids de naissance et de prématurité. Une étude parue en février 2021 dans l’American Journal of Psychiatry prend le problème à l’envers et formule des conclusions assez édifiantes. Les chercheurs de la Charité-Universitätsmedizin de Berlin suggèrent que les émotions positives, la résilience de la future mère et le soutien social dont elle bénéficie seraient capables d’augmenter la longueur des télomères du fœtus (donc les chances que son enfant vive longtemps sans déclarer de maladies liées au vieillissement). Comment la « positive attitude » rallongerait-elle les télomères ? L’explication principale est que les émotions positives peuvent limiter la sécrétion de cortisol et que plus les individus sont résilients, meilleure est leur immunité. Or, on sait que les maladies et inflammations dans l’organisme ont tendance à raccourcir les télomères. « Les résultats indiquent que la résilience psychologique maternelle peut exercer un effet salutaire sur la biologie des télomères de la progéniture et soulignent l’importance d’améliorer la santé mentale ainsi que le bien-être maternel pendant la grossesse », conclut l’étude.

  • 🇫🇷 France

    Espoir contre la prééclampsie

    Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS ont publié le 30 juillet 2023 dans Redox Biology des travaux portant un premier espoir de traitement de la prééclampsie. Ils annoncent avoir testé chez deux modèles murins une thérapie ayant rectifié les défauts identifiés dans les cellules du placenta et restauré les poids placentaire et fœtal, tout en normalisant la pression artérielle et la protéinurie maternelles. Leur approche a consisté à corriger l’altération du métabolisme des trophoblastes, ces cellules du placenta qui doivent gérer le réseau vasculaire au bénéfice de l’apport en oxygène et nutriments nécessaires à la croissance fœtale. Or, en cas de prééclampsie, les trophoblastes produisent en excès des dérivés réactifs de l’oxygène et de l’azote. Le monoxyde d’azote du sang maternel cesse alors d’assurer son rôle physiologique dans le réseau vasculaire placentaire et déclenche un cercle
    vicieux de stress oxydant et nitrosant. En l’espèce, le défi des chercheurs a été de restaurer la production physiologique de monoxyde d’azote dans le placenta et d’empêcher l’implication de sa voie métabolique dans des processus oxydants. Ils ont, pour ce faire, utilisé un composé nommé BH4, agissant par couplage avec des enzymes de synthèse du monoxyde d’azote. Le traitement aurait rétabli la production de monoxyde d’azote dans des cellules en culture et réhabilité une physiologie placentaire fonctionnelle avec restauration du poids fœtal dans les deux modèles murins.

  • 🇮🇱 Israël

    Des embryoïdes humains

    C’est une première mondiale. Des chercheurs israéliens de l’Institut Weizmann de Tel-Aviv ont annoncé le 6 septembre 2023 dans Nature avoir créé des
    structures similaires à l’embryon humain à partir de cellules souches humaines non modifiées génétiquement. Ces « embryoïdes », permettant d’observer les 14 premiers jours de développement (avant leur destruction voulue par la loi), pourraient laisser espérer des avancées contre la stérilité et les fausses couches précoces, une efficacité accrue des FIV ou encore une meilleure connaissance des maladies héréditaires. La création de ces quasi-embryons humains soulève d’innombrables questions éthiques, même si le professeur Jacob Hanna, qui dirige l’équipe, assure que les structures créées ne devraient pas être considérées comme humaines, notamment parce qu’elles ne pourraient pas évoluer en fœtus : « Elles y ressemblent fortement, mais ne sont pas identiques. » Il défend toutefois leur caractère extraordinaire : « Il s’agit du premier modèle d’embryon qui présente une organisation structurelle des compartiments et une similarité morphologique avec un embryon humain au 14e jour », s’exalte-t-il. Et d’ajouter : « Les modèles embryonnaires humains de notre équipe miment une dynamique de croissance semblable aux principales caractéristiques de l’embryogénèse au stade post- implantatoire jusqu’au 13-14e jour après la fécondation. »

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