En gestation depuis 15 mois, le projet de portail « Ma pharmacie en France » n’est plus qu’à quelques encâblures de son lancement officiel. Il aura fallu de la ténacité à Alain Grollaud, président de la chambre syndicale des groupements de pharmaciens, Federgy, pour obtenir ce résultat : « Cela n’a pas été simple parce que chacun a imposé des lignes rouges à ne pas dépasser, qui se sont ajoutées à la complexité du métier de pharmacien qui est déjà très réglementé ». Ce jeudi 22 mai, toutes les parties prenantes étaient bien là, à savoir les deux syndicats de titulaires, FSPF et Uspo, et les représentants des groupements et enseignes, Federgy, UDGPO et CNGPO. Tous sont d’accord sur un point essentiel : la vente en ligne est une demande des citoyens à laquelle il faut savoir répondre, faute de quoi d’autres acteurs ne tarderont pas à s’en emparer, avec tous les dangers pour la santé publique que cela comporte. « Le grand méchant loup est à notre porte », insiste Alain Grollaud en évoquant Amazon.
Transition numérique
Car le projet s’est d’abord constitué en réponse aux déclarations de Gabriel Attal en janvier 2024, alors Premier ministre, qui voulait « déverrouiller la vente en ligne de médicaments ». Après avoir rencontré les représentants du réseau, Alain Grollaud a signé un partenariat avec La Poste Santé & Autonomie en juillet 2024 pour créer le futur portail « Ma Pharmacie en France ». Le but ? « Accompagner les officines dans la transition numérique, tout en préservant les valeurs du modèle pharmaceutique français et de son maillage territorial. » Et depuis ? Le travail s’est poursuivi en coulisses avec les équipes de La Poste Santé & Autonomie dirigée depuis 2023 par Dominique Pon, anciennement responsable ministériel en charge du Ségur du numérique.
Il a abouti le 22 mai dernier à la création d’une joint-venture entre les représentants des pharmaciens – Federgy, FSPF, Uspo, UDGPO et CNGPO détiennent 67% des parts – et La Poste Santé & Autonomie (33% des parts), dont le directeur général (DG) est Guillaume Bosc. Ce dernier est également DG de La Plateforme Médicale et de Mes Médicaments chez moi, deux filiales de La Poste Santé & Autonomie. Le portail, promet Alain Grollaud, sera officiellement lancé en octobre prochain. Au programme : livraison de médicaments après dispensation d’une ordonnance à l’officine, vente en ligne et livraison de médicaments non prescrits et de parapharmacie, agenda pour la prise de rendez-vous (vaccination, entretiens pharmaceutiques, etc.), accès aux pharmacies de garde et diffusion de messages de santé publique.
Prolongement de la dispensation
Cette première version sera rapidement enrichie car les idées ne manquent pas pour accompagner les pharmaciens. Ainsi, des applications utilisant l’intelligence artificielle sont en cours de développement, l’une pour traquer les fausses ordonnances « avec une intégration aux LGO et une facilité d’utilisation qui n’aura rien à voir avec Asafo », l’autre pour repérer automatiquement les interactions médicamenteuses. « Le but est de proposer mieux que ce qui existe actuellement », souligne le président de Federgy. Un autre projet vise une meilleure coordination interprofessionnelle de la sortie hospitalière, avec notamment pour objectif de résoudre la problématique des captations d’ordonnances par certains prestataires à domicile. Alain Grollaud évoque enfin, parmi « de nombreux autres projets », un futur « service des manquants, c’est-à-dire une solution de dépannage entre pharmacies, sur lequel nous discutons avec tous les acteurs de la chaîne et notamment les laboratoires ».
Pour l’heure, les équipes peaufinent le portail, elles assurent qu’il sera « totalement conforme à la doctrine française édictée par la délégation du numérique en santé » et que son utilisation « ne sera pas chronophage puisque c’est un prolongement de la dispensation à l’aide d’un outil numérique interopérable avec les logiciels métier ». Il n’y aura par exemple pas de double authentification à réaliser par le dispensateur. Pour le pharmacien, l’abonnement au portail sera de 49 euros par mois. « Nous avons calculé que le projet sera viable s’il rassemble au moins 3 500 ou 4 000 officines, mais nous ne sommes pas inquiets. Les groupements partenaires se sont massivement engagés dans ce sens », précise Guillaume Bosc. Côté patients, des frais de livraison seront applicables, avec des tarifs différenciés pour les livraisons expresses ou standards.