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Atterrissage post-Covid réussi !

Le marché de la transaction s’est adapté rapidement aux changements de paradigme. Après une stabilité du prix de cession moyen des pharmacies sur le premier semestre 2023, une correction importante à la baisse s’est opérée au second semestre, et ce, quelle que soit la taille ou la typologie d’officine. Dans le même temps, le nombre des cessions s’est inscrit à la hausse.

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Avec la fin des activités à TVA 0 % de la Covid-19, le retour vers des standards plus conformes à ­l’activité traditionnelle d’une officine (+ 2,4 % du CA HT en 2023), les pronostics peu déjoués sur l’effritement important des taux de marge (- 3 points, à 29,5 % en moyenne) et des rentabilités (- 4 points pour le taux d’EBE, à 9,7 % en moyenne), la détérioration des situations financières sous l’effet ciseaux entre les produits et charges de l’officine, les prix de cession des pharmacies se sont assagis, « répondant à une logique économique », précise Donald Monguay, associé du cabinet Pharmathèque. 
Réalisée sur 939 transactions, la nouvelle étude publiée par Interfimo sur les prix de cession des officines montre, en effet, une année 2023 en net repli sur le prix de cession moyen en pourcentage du CA HT (hors activité Covid) de 3 points pour les officines de plus de 1,2 million d’euros de CA à 84 % et de 5 points, soit un niveau historiquement bas de 59 % pour celles de moins de 1,2 million d’euros de CA HT. En multiple de l’ excédent brut d’exploitation (EBE) retraité, le prix moyen suit la même tendance baissière, en s’établissant à 6,4 fois l’EBE (- 0,3 point) pour la première catégorie et à 5,3 fois l’EBE (- 0,1 point) pour la seconde catégorie ; cette dernière baisse étant principalement portée par les pharmacies rurales (coefficient de 4,5 en 2023 contre 5,3 en 2022). « Les prix baissent en campagne par manque de candidats », souligne Donald Monguay.

Regain de forme sur les ventes de fonds

Les volumes des cessions montrent un marché acyclique peu sensible aux sursauts de l’économie, démontrant la robustesse du secteur officinal. Après une baisse de 7 % du nombre des transactions en 2022, le marché enregistre une hausse de 8 % des mutations, à 1 606 opérations contre 1 490 un an auparavant. Même alimenté par un crédit moins bon marché, le dynamisme des transactions d’officine contraste avec le repli du marché immobilier. 
« Impact des médicaments chers sur le CA et le taux de marge, baisse des rentabilités, hausse des taux qui affecte de plus en plus la capacité d’endettement des acquéreurs… tous ces éléments marquants ont concouru au second semestre 2023 à amorcer une prise de conscience chez les pharmaciens vendeurs, analyse Marie-Gabrielle Tingaud, présidente de Channels. Celle-ci, assortie d’une recherche plus sélective des acheteurs, dans un marché où la demande reste soutenue, devrait apporter plus de fluidité dans les transmissions. »
En régions, l’animation du marché a été la plus forte en Bretagne, Normandie, Paris-Île-de-France et Paca. Restant majoritaire (54 % des cessions), la part des ventes de fonds est restée stable, rompant avec la tendance baissière de ces dernières années. « Le dispositif exceptionnel d’amortissement du fonds commercial et les déductions fiscales qui en résultent ont logiquement incité les acquéreurs à privilégier des rachats de fonds, au détriment des acquisitions de parts n’ouvrant pas droit à l’amortissement », livre Olivier Tellier, associé du cabinet POD.
Demeurant la principale cause de transmission, les départs en retraite renouent avec la croissance (+ 4 %, 1 820 recensés en 2023 par la CAVP), après une stabilisation en 2022. Leur nombre ne devrait pas faiblir dans les cinq années à venir. 

Dispersion des prix accrue sur les petites officines

Les prix de cession moyens des officines, publiés chaque année par Interfimo, restent des indicateurs de tendance pertinents bien qu’ils résultent d’un marché de moins en moins homogène de la pharmacie. Les amplitudes des prix du marché se sont, en effet, encore accrues l’an dernier, davantage en fonction de la taille que du lieu d’implantation. 
Sur le marché spécifique des officines de plus de 1,2 million d’euros, la dispersion des prix constatée se stabilise avec 60 % des transactions comprises entre 72 % et 98 % du CA contre 74 % et 100 % en 2022. Sur le marché des officines de moins de 1,2 million d’euros, elle est moins importante : 60 % des transactions étudiées sont comprises entre 43 % et 75 % (32 points) contre 48 % et 83 % (35 points) en 2022.
Le désintérêt des primo-accédants pour les petites officines s’accentue, bien que les acquéreurs soient en position de force dans les négociations. Même à prix décotés, ces pharmacies, qu’elles soient de quartier (57 % du CA HT, - 4 points), de centre-ville (65 %, - 3 points) ou rurales (55 %, - 8 points), ne donnent plus envie. « Le portrait-robot de la pharmacie de première installation se situe à partir de 1,8 million d’euros, d’autant que ce seuil de CA est facilement atteint avec les opérations de regroupement ou de rachat de clientèle et les hausses de CA liées à l’évolution des produits chers », explique ­Matthieu Riberry, gérant du cabinet Riberry (groupe PSP Pharma). 
Concernant les pharmacies de plus de 1,2 million d’euros, plus l’officine est importante en CA, plus le coefficient est élevé, avec un prix de cession moyen de 90 % du CA (- 3 points) pour les officines de plus de 3 millions d’euros. Les prix des pharmacies de 1,2 à 1,6 million d’euros (74 % du CA HT), de 1,6 à 2 millions d’euros (82 %) et de 2 à 2,4 millions d’euros (85 %) perdent 4 points. La plus faible baisse est à mettre au crédit des pharmacies de 2,4 à 3 millions d’euros (- 2 points à 88 % du CA HT). « Le marché reste spéculatif sur les très grosses officines parce qu’il y a encore pour elles beaucoup de liquidités mais aussi du fait de leur rareté, avec des prix de cession déconnectés de la renta­bilité », ­rapporte Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo. S’agissant des valori­sations en multiple de l’EBE, s’il y a très peu d’écarts des prix de vente des officines au-delà de 1,6 million d’euros de CA (6,5 à 6,7 fois, pas d’effet de taille), en revanche, sous la barre de 1,2 million de CA, les dispersions de prix s’accentuent fortement avec 60 % des transactions comprises entre 3,1 et 6,9 fois l’EBE.

Pharmacies de centres commerciaux : des prix en net recul

Par typologie d’officines de plus de 1,2 million d’euros de CA, les écarts disparaissent entre officines rurales, de quartier et de centre-ville, avec un prix de vente moyen unique de 84 % du CA HT, tandis que l’on note une baisse plus marquée du prix de cession moyen des pharmacies de centre commercial (de 97 % en 2022 à 88 % en 2023). Gilles Andrieu, dirigeant du cabinet Espace (groupe PSP Pharma), n’est pas surpris par cette dernière statistique : « Loyers trop élevés, inflation des autres charges, locaux trop exigus pour réaliser les nouvelles missions, envie de développer l’interprofessionnalité, certains pharmaciens titulaires cherchent aujourd’hui à sortir des galeries commerciales pour s’installer dans une zone plus accessible pour la clientèle âgée, couplant une pharmacie plus spacieuse à une maison de santé ou un pôle médical pluridisciplinaire. »
Quant aux perspectives du marché, « 2024 sera encore une année de transition, avec un nouvel ajustement des prix qui évitera aux banques de demander des apports personnels plus importants aux acquéreurs, lorsque la négociation du prix de cession est gagnante-gagnante avec le vendeur », conclut Jérôme Capon. 

 

Départ à la retraite : faut-il se dépêcher de vendre en 2024 ?

Au-delà de l’usure du temps et de la lassitude, une autre raison peut inciter un pharmacien à partir en retraite sans tarder : l’extinction au 31 décembre 2024 du dispositif ­d’exonération « spécial retraite » qui permet à un dirigeant lors de la ­cession des titres de sa PME soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), à l’occasion de son départ à la retraite, de réaliser une économie d’impôt de 12,8 % sur un montant maximum de la plus-value de 500 000 euros (soit une économie maximum de 64 000 euros). Car, pour l’heure, ce dispositif n’est pas prorogé. Pour en bénéficier, le dirigeant doit, notamment, cesser toute fonction (direction ou salariée) dans la société dont les titres sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite, en principe, dans les 2 ans suivant ou précédant la cession. L’administration fiscale admet que le départ à la retraite et la cessation des fonctions puisse intervenir, indifféremment, l’un avant et l’autre après la cession, sous réserve que le délai entre les deux événements n’excède pas 4 ans.

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Par Camille Jourdan

16 Avril 2024

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