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Pharmacien associé de SEL : alerte rouge sur la fiscalité de votre rémunération !

En application des dernières jurisprudences, l’administration fiscale a modifié sa doctrine en décidant d’imposer, à compter du 1er janvier 2024, la rémunération des fonctions techniques des associés de SEL, dans la catégorie des BNC (et non plus celle des traitements et salaires), dissociant ces dernières des fonctions de direction. Ce qui est loin d’être sans conséquences.

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Dans sa doctrine antérieure, « elle considérait que les rémunérations des associés (non-gérants) d’une Selarl relevaient normalement du régime des traitements et salaires et que celle des gérants majoritaires de Selarl était, dans sa globalité, soumise au régime de l’article 62 du Code général des impôts (CGI), donnant droit dans les deux cas à une déduction forfaitaire pour frais professionnels de 10 % plafonnée en 2024 à 13 522 euros », rappelle Maître Emmanuel Duvilla, avocat associé du cabinet Auravocats. 
Désormais, les rémunérations des associés (dirigeants ou non) de SEL (toutes formes confondues), liées directement à l’exercice de leur activité libérale, seront, en principe, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), entraînant ainsi une perte de cet abattement de 10 %. Une exception est toutefois admise : lorsqu’il est établi qu’un lien de subordination existe entre l’associé et la SEL au titre de l’exercice de sa profession caractérisant une activité salariée imposable, dans ce seul cas, en traitements et salaires. Une hypothèse très marginale.
Dans sa grande mansuétude, « pour les seuls gérants de Selarl et de Selca, l’administration considère par tolérance que seule une partie infime (5 %) de l’enveloppe globale de rémunération peut rester sous le régime de l’article 62 du CGI et ainsi bénéficier de la déduction forfaitaire de 10 %, estimant qu’ils consacreraient au maximum 5 % de leur temps aux fonctions de direction et au minimum 95 % à des fonctions techniques », précise cet avocat. Dans le même temps, « l’administration a défini de manière anormalement restrictive les fonctions de gérance cantonnées à la gestion juridique de la SEL (convocation des associés aux assemblées générales, transfert de siège…), ce qui reste anecdotique en pratique, et inclus, a contrario, dans les fonctions techniques des tâches administratives telles que les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou la rédaction d’ordonnances », ajoute-t-il.

De nouvelles obligations

Cette réforme fiscale aura plusieurs incidences. À commencer par son coût pour les professionnels libéraux. « En raison des nouvelles contraintes déclaratives et administratives et de la perte de l’abattement de 10 %, le surcoût fiscal peut aller jusqu’à 6 300 euros d’impôt sur le revenu par an pour les plus hauts revenus », prévient Emmanuel Duvilla.
Cette réforme, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, restera-t-elle au milieu du gué ? À ce stade, de nombreuses questions restent sans réponse, suscitant de vives inquiétudes chez tous les associés de SEL et leurs conseils, même si un nouveau Bulletin officiel des finances publiques est venu apporter des précisions, « sauf en ce qui concerne la déductibilité des charges de l’associé de SEL pour lesquelles des commentaires sont attendus prochainement », nuance l’avocat.
Chaque pharmacien associé de SEL devra se soumettre à de nouvelles obligations administratives et comptables, à savoir : établissement, dès mai 2025, d’une déclaration contrôlée 2035, tenue d’une comptabilité BNC et d’un registre des immobilisations, ouverture d’un compte bancaire professionnel spécifique (vivement conseillée) séparé du compte de la pharmacie et du compte personnel du titulaire…
Pour autant, deux points se montrent rassurants : des rémunérations non soumises à TVA et le non-assujettissement de l’associé individuellement à la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Une déclaration BNC, pour qui ?

Concrètement, les pharmaciens gérants majoritaires de SEL devront déclarer en BNC au moins 95 % de la rémunération perçue en 2024, qu’il soit possible ou non de distinguer les fonctions de gérance des fonctions techniques, et 100 % de leur rémunération en ce qui concerne les associés de Selas ou Selafa. « Sous réserve de respecter le seuil de recettes propres au régime micro-BNC (77 000 euros de rémunération nette annuelle), les associés de SEL pourront bénéficier du régime micro, évitant ainsi la déclaration contrôlée », précise cet avocat. Les pharmaciens associés de SARL ou de SAS ne sont a priori pas concernés par ces changements de régime fiscal. Mais certains experts pensent que la nouvelle doctrine fiscale doit leur être étendue.
De son côté, Philippe Besset, président de la FSPF, espère « obtenir un aménagement des textes dans la prochaine loi de finances rétablissant l’abattement des 10 % pour tous, dans les situations où il est légitime de le faire ». Autre allié de la FSPF dans ce combat : les recours déposés entretiennent l’espoir de modifier cette nouvelle doctrine fiscale (notamment en ce qui concerne la limite de 5 %). Affaire à suivre.

Par Romain Petit

5 Avril 2024

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