Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 affiche un taux de progression de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 2,5 % (contre 2,3 % en 2018), certains secteurs devront toutefois se serrer la ceinture. Sans grande surprise, le médicament est en première ligne, la ministre de la Santé Agnès Buzyn ayant déjà annoncé que les économies attendues sur ce poste allaient légèrement dépasser le milliard d'euros. Alors que les industriels ont déjà regretté, par la voix de leur représentant, le Leem (Les Entreprises du médicament), que le médicament soit « plus que jamais la variable d'ajustement des comptes de l'Assurance maladie », c'est une autre mesure qui inquiète les pharmaciens.
Fini le « NS » manuscrit
Considérant qu'il est nécessaire de « veiller à ce que les médicaments remboursés le soient sur la base médicalement la plus pertinente », Bercy et Ségur souhaitent « assurer le plus haut niveau possible de substitution du princeps par le générique ». Un taux qui, à fin mai 2018, était de 88 % selon les données de l'Assurance maladie. Le PLFSS prévoit à cet effet la suppression de l'obligation de la mention manuscrite « Non substituable » (NS) sur les ordonnances, une demande récurrente des syndicats de médecins, dont la justification devra désormais reposer « sur des critères médicaux objectifs, définis en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » (ANSM). Contactée, cette dernière n'est pour le moment pas en mesure d'apporter plus de précisions quant à ces critères, mais la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a déjà prévenu que la mention « NS » est difficilement encadrable puisqu'elle correspond « à des situations variées » comme une allergie ou une intolérance à un excipient, l'immense majorité étant liée aux risques de confusion, voire de double prise du produit. « Justifier pleinement l'utilisation de la mention “Non substituable” sur une ordonnance se heurtera donc à la défense du secret médical », avertit le syndicat.
Le spectre d’un TFR généralisé
Mais ce n’est pas tout : en complément de cette retouche sur la mention « NS », il est annoncé dans le PLFSS que « le remboursement d'un assuré qui ne souhaiterait pas, sans justification médicale, la substitution proposée par le pharmacien se fera désormais sur la base du prix du générique ». Applicable au 1er janvier 2020, cette mesure choc rajoute donc une couche supplémentaire au dispositif de tiers payant contre génériques, généralisé en 2017, en s'en prenant directement au portefeuille des patients récalcitrants. Bien que l'objectif soit clairement de faire encore progresser le taux de substitution, sa réussite est au mieux incertaine. « Les risques que la mesure fait peser sur l'économie de l'officine sont réels », estime ainsi Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Il y a d'abord une véritable « inquiétude vis-à-vis de la réaction de ces patients à qui les pharmaciens vont devoir expliquer qu'ils seront pénalisés financièrement ». À plus ou moins court terme, Philippe Besset craint surtout que « ce système de double prix incite les laboratoires à retirer leurs princeps ou à demander un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) », ce qui sonnerait comme « une catastrophe économique pour la pharmacie d'officine ». Ce spectre d'un TFR généralisé, une menace récurrente pour la profession, n'augurerait rien de bon, tant pour les pharmaciens que pour les médicaments génériques. C'est ce que l'on appelle un effet pervers.