Personne ne vous l’apprend : être titulaire d’officine, c’est jongler avec différentes compétences pour être tout à la fois un professionnel de santé, un chef d’entreprise, un responsable d’équipe et un négociateur commercial. L’accumulation de toutes ces casquettes peut parfois fatiguer au-delà du raisonnable, comme l’a révélé l’enquête réalisée fin 2017 par l’association Soins aux professionnels de santé (SPS). Elle a mis en évidence une double fragilité chez les pharmaciens libéraux : l’épuisement professionnel associé à l’impossibilité de faire part de ses difficultés à autrui. Cette « solitude du chef » est souvent la résultante d’une organisation pyramidale au sein de l’entreprise, qui fait peser l’ensemble des responsabilités sur le sommet de l’édifice et contribue à le fragiliser. C’est en partant de ce constat que se sont petit à petit développées de nouvelles formes de management, plus souples, plus réactives et au final plus efficaces. L’holacratie en est aujourd’hui le fer de lance.
Autonomisation
Pour Bernard Marie Chiquet, fondateur d’IGI Partners qui a importé en France ce concept né aux États-Unis en 2001, l’holacratie est « une nouvelle pratique sociale pour les organisations basée sur le principe que c’est celui qui sait qui fait ». Ce n’est pas à proprement parler un modèle clé en main, mais « un outils d’aide à la responsabilisation et à la coopération entre tous les collaborateurs ». Avec ce nouveau mode d’organisation, le principe du manager qui distribue des tâches à ses collaborateurs est remplacé par celui d’autonomisation des individus : exit la notion d’organigramme figé ou de fiches de postes qui finissent par ne plus correspondre à la réalité des tâches effectuées. L’objectif de l’holacratie est d’apporter des solutions concrètes aux maux les plus fréquents qui minent le fonctionnement des organisations professionnelles : jeux de pouvoir, manque de performance, de transparence et de réactivité, déperdition de temps, stress, mal-être, désengagement des salariés…
Des gains à tous les niveaux
Si le passage d'un mode de management classique à l'holacratie constitue bien « un gros changement impliquant une réelle motivation de toutes les parties prenantes », Bernard Marie Chiquet est persuadé qu'il s’agit d’une « alternative concrète à un système managérial qui a atteint ses limites et qui est probablement obsolescent dans pas mal de secteurs d’activité ». Ce qu’il qualifie de « règne de l’explicite » apte à faire « diminuer significativement les tensions et le nombre de conflits interpersonnels » promet également de faire gagner à l’entreprise « en capacité d’adaptation, clarté, rigueur et efficacité ». Sa productivité et sa profitabilité s’en trouvent de fait rapidement augmentées.
Essayer avant d’adopter
La modification de réflexes hiérarchiques souvent profondément ancrés implique une phase d’adaptation qui peut s’avérer plus ou moins longue. Quoi qu’il en soit, Bernard Marie Chiquet explique qu’« il n’est pas nécessaire de passer par une phase de diagnostic » mais qu’il faut directement « entrer dans la pratique » pour comprendre dans les faits de quoi il retourne. Après un séminaire de deux jours de mise en situation, les responsables de l’entreprise sont alors à même de savoir s’ils souhaitent continuer l’accompagnement en basculant sur une phase de formation, de création de compétences spécifiques et d’adaptation des outils. Ces étapes s’étalent sur une période qui ne dépasse généralement pas cinq semaines à l’issue de laquelle est adoptée « une constitution » qui regroupe l’ensemble des « règles du jeu » et constitue l’outil de référence de l’entreprise. Considérée par celui qui est son plus grand spécialiste en France comme particulièrement adaptée aux préoccupations de tout « patron fatigué qui aimerait que ses salariés prennent plus de responsabilités pour, notamment, ne plus avoir à supporter seul la pression », l’holacratie a donc tout pour séduire les titulaires d’officine qui ne manqueront pas de se retrouver dans ce profil.