Le 18 mars, une tribune signée par 124 médecins et publiée dans Le Figaro est venue raviver la sempiternelle polémique autour des médecines dites « alternatives » et, plus particulièrement, de l’homéopathie. Très virulent, le texte fustige des « pratiques qui ne sont ni scientifiques ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses », et demande carrément aux pouvoirs publics ainsi qu’au Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) que les professionnels de santé qui les promeuvent ne soient plus autorisés à faire état de leur titre universitaire, que les diplômes d’homéopathie ne soient plus reconnus et que l’Assurance maladie cesse de rembourser ces traitements.
Si les débats intellectuels autour de l’absence de preuves scientifiques de l’efficacité de l’homéopathie n’ont longtemps pas été suivis d’effets, les autorités sanitaires d’un nombre croissant de pays commencent à prendre des mesures reléguant cette pratique aux marges de la médecine, si ce n’est en dehors.
Les Russes ouvrent le feu
Ainsi, le 6 février 2016, l’Académie des sciences russe a publié un mémorandum dans lequel elle expose que « les explications des effets supposés de l’homéopathie contreviennent aux lois chimiques, physiques et biologiques connues, et son efficacité n’est corroborée par aucune expérimentation convaincante ». Ses attendus s’accompagnent d’une recommandation à l’endroit du ministère de la Santé qui demande un retrait des remèdes homéopathiques des hôpitaux publics et une interdiction de leur publicité. Elle conseille également aux pharmaciens de « séparer les médicaments traditionnels des remèdes homéopathiques » et de « ne plus vanter les mérites » de ces derniers. Les autorités russes n’ont pour le moment pas donné suite, mais la pression contre l’homéopathie est montée de plusieurs crans dans d’autres pays depuis.
Le 15 novembre 2016, la Federal Trade Commission (FTC), l’homologue américain de notre Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mettait, elle aussi, un sérieux bémol au régime de faveur accordé depuis 1988 aux médicaments homéopathiques par la Food and Drug Administration (FDA), l’autorité de surveillance des produits de santé. Contrairement à tous les autres médicaments, ce statut dérogatoire autorise en effet l’homéopathie à être commercialisée sans avoir à faire la preuve de son efficacité. Si la FTC n’a pas la main sur l’autorisation de mise sur le marché, elle a toutefois imposé aux laboratoires d’apposer sur l’étiquette de leurs spécialités deux avertissements : « Il n’y a aucune preuve scientifique de l’efficacité de ce produit » et « Les prétentions de ce produit se basent uniquement sur des théories qui remontent aux années 1700 et que la plupart des experts médicaux d’aujourd’hui rejettent ». Aïe !
Coup de grâce britannique
À la mi-juillet 2017, Simon Stevens, le directeur général du National Health System (NHS), le système de santé publique britannique qualifiait l’homéopathie de « gâchis des ressources financières du NHS qui devraient être allouées à des traitements efficaces », lors de l’annonce d’un plan de déremboursement de cette classe thérapeutique. Plébiscité par le comité scientifique et technologique de la Chambre des communes ainsi que par la British Medical Association (l’association syndicale des médecins britanniques), ce déremboursement était également réclamé par une association d’usagers britanniques bien décidée à poursuivre en justice le ministère de la Santé. Après qu’il a été demandé à tous les médecins du NHS de cesser de prescrire de l’homéopathie, ce fut au tour d’un grand hôpital londonien spécialisé dans ces traitements de se voir couper tout crédit public.
L’exception française
En France, il semble pour l’heure peu évident que des mesures aussi drastiques soient prises par les pouvoirs publics. D’abord parce que la France représente le quart de ce marché mondial en chiffre d’affaires – différentes études pointent que plus de 40 % des Français y ont régulièrement recours, contre seulement 15 % en 1982 –, ensuite parce que son taux de remboursement, successivement passé de 65 à 35 puis 30 %, a entraîné une dépense pour l’Assurance maladie de seulement 128,5 millions d’euros en 2016 (contre 150 millions d’euros en 2002), soit seulement 0,75 % de l’ensemble des remboursements des médicaments de ville. Enfin, le fait que le français Boiron, leader mondial du secteur, emploie plus de 2 500 personnes sur le territoire national pèse évidemment lourd dans la balance.